L'épave

Le bateau – les causes du naufrage

 

Une partie importante du bateau a été retrouvée. La longueur totale de la coque était d’environ 32 à 35 m. Le bordé de coque conservé sur une hauteur atteignant par endroits 1, 5 m a certainement contribué à la préservation de la cargaison. Aucune trace de clous n’a été décelée dans la construction : les bordages étaient assemblés par des gournables et des cordages devaient servir à la fixation des membrures, une technique à l’origine du qualificatif « à planches cousues » lié à ce genre de construction (consulter à ce sujet les travaux de P.-Y. Manguin). Aucune trace d’étambot, d’étambrai, de gréement ni de gouvernail n’a été relevée. Nous ignorons donc tout de la voilure. Deux ancres en fonte ont été remontées du fond : il pourrait s’agir d’ancres d’origine chinoise.

Dans l’état actuel de la recherche, il est permis d’affirmer qu’il s’agissait d’un bateau de type austronésien, ce qui signifie qu’il pourrait être originaire du sud du Vietnam (Champa), de Malaisie ou d’Indonésie. L’analyse des bois permettra sans doute de préciser davantage son origine.

Aucune trace de pont n’ayant été retrouvée, il devait s’agir d’un bateau de charge partiellement ou totalement ouvert. Les fouilleurs n’excluent cependant pas la possibilité d’un pont partiel et d’une cabine (?) à la poupe.

Selon M. Flecker, l’épave d’Intan pourrait avoir été construite sur un modèle similaire. Le bateau (balanghai 5) découvert lors des fouilles de Butuan à Mindanao (11e s.) aux Philippines, bien que d’un profil nettement plus effilé, offre également des ressemblances avec l’épave de Cirebon.

Au 19e siècle, certains voiliers de cabotage malais et indonésiens, aux coques généreuses permettant le transport d’importantes cargaisons, furent regroupés sous l’appellation de prao(-mayang) par François-Edmond Pâris lors de ses voyages d’étude de la construction navale des peuples extra-européens (publiés à Paris en 1843). Ils semblent offrir avec l’épave de Cirebon de réelles similitudes dans l’aspect de la coque. Originaires de Sulawesi, les pinisi, voiliers de commerce traditionnels qui sillonnent encore la Mer de Java et celle de Florès, sont toujours construits selon la technique dite « bordé premier », leurs bordages assemblés à l’aide de gournables. Les différents éléments de membrure y sont positionnés une fois la coque achevée. De nombreux pinisi sont maintenant équipés de moteurs.

Pinisi à Sunda Kelapa, vieux port de Jakarta (2010). Photos : Copyright Luc Heymans

 

La cargaison de l’épave de Cirebon ne s’étant guère étalée autour du tumulus et aucune trace de collision n’ayant été identifiée sur la coque, on peut penser que le naufrage a probablement eu lieu en raison d’une charge trop lourde : le poids des minerais se trouvant à bord (cargaison et ballast) a été évalué à environ 150 tonnes, auxquelles il faut ajouter le poids considérable de la cargaison, céramiques et autres matériaux. Le bateau, descendu sur le fond marin plat, s’est sans doute ouvert progressivement au cours du temps.